ÉVOLUTION DU CONCEPT DE DETTE ÉCOLOGIQUE: L'APPROCHE DES ORGANISATIONS DE JUSTICE ENVIRONNEMENTALEEJOLT est l'une des organisations travaillant sur le sujet de la justice environnementale. En intégrant les connaissances de différentes sources: universitaires et groupes d’activistes environnementaux, cette organisation a mené des recherches, entre outres, sur les passifs environnementaux et la dette écologique. Pour cette raison, une présentation synthétique sur la construction du concept de dette écologique sera faite à partir de l'approche proposée par EJOLT, en particulier dans le rapport N° 18 du mois de janvier 20151.1 La position du projet EJOLT sur la dette écologiqueLa problématique de la dette écologique a suscité la parution en 1992[note de bas de page:Selon Martinez-Alier (2002: 212), la première mention de la dette écologique a été faite par l'écoféministe allemande Eva Quistorp, membre fondateur du Parti vert.] de deux rapports très différents en termes d'approche et de contenu :• Au Chili, le rapport de Robleto & Marcelo « Daudet ecológica » reflète un débat en cours sur la dette écologique né en Amérique latine à la fin des années 1980 et intensifié rn 1992 (Sommet de la Terre de Rio en 1992) (cf. Gudynas 2008). Partant du constat de l'appauvrissement de la couche d'ozone et des coûts de santé qui en résultent dans le sud du Chili, il a élargi le concept de dette écologique à un « patrimoine vital de la naturalité [ce qui a été consommé et ne lui a pas été restitué] ». • Le rapport suédois de Jernelöv, dont le titre est traduit par « La dette environnementale », a été écrit pour le Conseil consultatif suédois de l'environnement et largement destiné à un public national. Il été conçu comme une première tentative de calcul de la dette écologique de la Suède aux générations futures[note de bas de page:Dans le rapport, la dette environnementale de la Suède est évaluée à environ 260 milliards de couronnes suédoises (environ 40 milliards de dollars EU), en hausse annuelle de 6,6 milliards de couronnes suédoises (soit 1 milliard de dollars en 2012) (Jernelöv 1992: 7 -8).]. Celle-ci y est définie comme « les coûts de restauration des dommages environnementaux techno-économiques et le capital requis pour payer les réparations récurrentes » (1992: 11). Alors que le rapport de Robleto & Marcelo est souvent identifié comme un appel à la prise de conscience dans les campagnes pour une reconnaissance de la dette écologique, la conceptualisation de la dette par Jernelöv a eu peu d'écho dans les débats internationaux ces vingt dernières années concernant cette problématique.La mention faite ici parallèlement de ces deux rapports illustre bien la portée des débats sur le concept de dette écologique au cours des vingt dernières années. Parmi les nombreuses questions encore non résolues : faut-il l'exprimer principalement en termes symboliques ou devrait-il être quantifié et monétisé ? Est-ce essentiellement un concept moral, politique ou économique ? Devrait-il être appliqué principalement à la fracture Nord-Sud pour compenser les injustices et inégalités historiques et continues, ou plutôt être principalement conçu comme une dette intergénérationnelle envers les futurs citoyens du monde ? Ou bien une combinaison des deux ? Devrait-il être remboursé, et comment ? De qui, à qui ? Cette liste d'interrogations n'est pas exhaustive et il s'agit ici plus modestement de donner un aperçu du développement du concept et de discuter de certains des domaines où il a été ou est actuellement appliqué, notamment en termes d'objectifs du projet de recherche collaborative EJOLT - Environmental Justice Organizations, Liabilities and Trade.L'un des principaux objectifs d'EJOLT est d'habiliter les organisations de justice environnementale (EJO) en clarifiant et adaptant des concepts scientifiques et des méthodologies pertinentes aux activités spécifiques de ces organisations, objectif concrétisé par la proposition d'EJOLT à la Commission européenne de promouvoir «l'enseignement de la méthodologie de tels calculs [académiques] dans des termes compréhensibles pour les activistes et les citoyens ». [no.2015, p. 10]Cette proposition est donc directement liée au contexte dans lequel elle a été rédigée, car l'idée de dette écologique (y compris la dette climatique), identifiée comme un concept clé d'EJOLT, nécessite une meilleure compréhension si les EJO doivent opérationnaliser sa méthodologie et ses possibilités dans leurs activités en cours. Ainsi, la recherche-action préconisée par EJOLT développe et normalise une plus grande réciprocité et une plus grande collaboration entre la théorisation académique et la pratique civile.Pour atteindre cet objectif de la recherche-action, EJOLT permet aux praticiens de la «connaissance activiste » de générer des connaissances malheureusement rarement reconnues comme telles (et encore moins demandées) par les academiciens, et les rendre plus disponibles en tant que données empiriques pour plus d'activistes orientés vers la recherche.Parallèlement, ces academiciens développent et valident des méthodologies et des conceptions théoriques plus standardisées afin de distiller ces connaissances activistes souvent liées au lieu et au contexte et les mettre à la disposition d'un éventail plus large de praticiens militants pour la justice et l'égalité dans leurs propres contextes spécifiques à travers le monde. Ils peuvent ainsi générer d'autres ensembles de données empiriques. Et ainsi de suite, le cycle peut continuer.Il s'agit donc là d'initier une correspondance plus durable et fluide entre les connaissances activistes et académiques, qui se poursuivra dans l'avenir en construisant un cadre de collaboration pour ces deux approches différentes de la génération de connaissances, afin d'atteindre l'objectif partagé de la justice environnementale. L'élaboration d'un tel cadre pourrait par ailleurs constituer une base solide pour aller de l'avant dans la réalisation des objectifs plus généraux du projet de recherche EJOLT.1.2 Synopsis historique du concept de dette écologique Plusieurs luttes à différentes échelles politiques et sociales ont vu le jour dans les années 1960 et, dans les années 1970 et 1980, se sont avérées concerner des problèmes importants touchant le monde entier. Dès le début des années 1990, trois facteurs historiques - l'émergence d'une conscience environnementale mais également une reconnaissance de la responsabilité des Etats quant à l'assujettissement colonial, et le malaise généré par la crise de la dette -, ont suscité l'idée d'une dette écologique.Dans les années précédant le Sommet de Rio, de nombreux pays avaient en effet déjà reconnu les impacts des problèmes environnementaux émergents et avaient commencé à prendre des mesures au niveau de l'Etat - inimaginables auparavant - pour les résoudre. La création en 1970 par l'administration conservatrice de Nixon de l'Environmental Protection Agency des États-Unis est un exemple illustratif du large soutien apporté à de telles initiatives[note de bas de page:Le président de la Colombie à l'époque, Virgilio Barco, a utilisé le concept dans un discours en 1990, de même Fidel Castro de Cuba (Martinez-Alier 2002: 213).]. Parallèlement à ces actions politiques au niveau de l'État a été pris en compte de plus en plus dans la recherche sociale, ce que l'historien péruvien Alberto Flores Galindo a appelé en 1988 « l'environnementalisme des pauvres ». car cette forme d'environnementalisme résulte de « conflits de distribution locaux, régionaux, nationaux et mondiaux causés par la croissance économique et les inégalités sociales » (Martinez-Alier 2002: 14), les principaux acteurs de ces conflits - les « pauvres » - se considèrent moins comme des écologistes en soi que comme des individus et des communautés engagés dans une lutte pour défendre leurs moyens de subsistance.Puis en 1992, le Sommet de la Terre de Rio de 1992 a attiré l'attention des médias sur les questions d'environnement et de développement, ce qui a entraîné pour la première fois la mobilisation de la société sur ces questions.En tant qu'économiste écologique, Joan Martinez-Alier (2002: 11) affirme : « au cœur de ce […] courant [environnemental], il n'y a pas une révérence sacrée pour la Nature mais un intérêt concret pour l'environnement en tant que source et condition de subsistance ; il y a moins une préoccupation pour les droits d'autres espèces et l'avenir des humains qu'une demande de justice sociale pour les hommes du présent ». Le Sommet de la Terre de Rio de 1992 peut être considéré comme une illustration de cette vision. Les résultats les plus connus de Rio sont peut-être les conventions qui ont été adoptées par les gouvernements des États du monde concernant les changements climatiques, la biodiversité et la désertification,On se souvient cependant moins bien que lors de cette rencontre, les ONG et les organisations de base ont également adopté un certain nombre de conventions les concernant, comme celle particulièrement pertinente du traité de la dette, qui stipulait franchement que « la dette écologique planétaire du Nord […] est essentiellement constituée de relations économiques et commerciales fondées sur l'exploitation indiscriminée des ressources et de leurs impacts écologiques, y compris la détérioration de l'environnement mondial, dont la majeure partie incombe au Nord » (cf. Paredis et al., 2008: 3). Le Traité a également exigé que des pressions soient exercées sur les organisations internationales pour la mise en place, à la fin de 1995, d'un système de comptabilité de la planète Terre afin de quantifier la dette cumulée des pays du Nord qui résulte des ressources prélevées et de la destruction et des déchets produits au cours des 500 dernières années (Ibid: 25).Certes l'ironie de la coïncidence du 3[exposant:ème] Sommet de la Terre en 1992 avec le 500[exposant:ème] anniversaire de la « découverte » des Amériques par Christophe Colomb en 1492 n'a échappé ni aux rédacteurs du traité ni aux autres participants à la réunion, dont une partie a célébré une étape de l'évolution vers la modernité, alors que d'autres ont commémoré 500 ans de résistance indigène, d'un demi-millénaire de colonialisme et d'oppression, de pillages et d'extraction de ressources dans les Amériques, ainsi que l'accumulation historique par les bâtisseurs occidentaux des systèmes d'Etats modernes d'une dette écologique encore impayée.Le début des années 1990 a donné lieu non seulement à cette remise en mémoire solennelle d'une dette historique, mais aussi à une reconnaissance croissante de la persistance de cette dernière jusqu'à la fin du XX[exposant:ème] siècle, en particulier à l'époque de la crise de la dette, où on était loin d'avoir fini d'épuiser les pays du Sud. En bref, dans les années 70, les banquiers internationaux, cherchant des investissements lucratifs après la stagnation des économies d'État induites par les chocs pétroliers, ont commencé à offrir des prêts bon marché aux pays en développement. Les gouvernements ont alors lourdement emprunté pour répondre aux pressions internationales croissantes les incitant à se développer, et à d'autres pays pour satisfaire des pulsions nettement moins avouables. Répondant à cette stagnation industrielle et préoccupé par la hausse de l'inflation, le président de la Réserve fédérale américaine, Paul Volcker, a toutefois décidé au début du premier mandat du président Reagan de passer de politiques keynésiennes à des politiques monétaristes, afin de sortir de cette impasse stagflationniste ;Cette mesure, qui fit grimper le taux des fonds fédéraux de 11,9% en moyenne en 1979 à 20% en 1981, permit de maîtriser l'inflation mais, en même temps, plaça les pays du tiers monde lourdement endettés dans une situation impossible au regard du remboursement de leurs dettes extérieures. Ces derniers se retrouvèrent à la merci de la Banque mondiale et du Fonds monétaire international (FMI) qui, fixant les conditions d'un renflouement ou d'un financement supplémentaire, exigea des «ajustements structurels» pour libéraliser les économies nationales et les structures de gouvernance. Ces ajustements, qui ont conduit à la disparition de l'État keynésien comme cadre de gouvernance dans le monde, comprenaient des réductions massives des dépenses publiques, la suppression des contrôles des prix et des subventions, des privatisations exhaustives des entreprises publiques, des dévaluations monétaires et la libéralisation des échanges. La conséquence directe de leur mise en œuvre a été une aggravation des conséquences sociales, allant de la réduction des dépenses de santé et d'éducation à la malnutrition croissante, à l'augmentation du chômage, à la dépossession des terres et de la propriété. En règle générale, de tels programmes d'ajustement structurel contraignaient aussi les pays en développement à recentrer leurs activités économiques sur l'accroissement des exportations de produits primaires grâce à l'intensification de l'extraction des ressources.Au début des années 1990, les dégradations écologiques et sociales résultant déjà de cette intensification obligatoire des activités extractives donnèrent encore plus d'autorité à l'émergence du concept de dette écologique en tant que pouvant expliquer les injustices historiques et continues infligées aux peuples du Sud par la rapacité apparemment insatiable du Nord. Reconnaissant l'existence de cette injustice contemporaine dans l'histoire au moins depuis Christophe Colomb, un des principaux paragraphes du Traité de 1992 stipule que la dette extérieure n'est que « le mécanisme le plus récent de l'exploitation des peuples du Sud et de l'environnement par le Nord». (Paredis et al. 2008, p.3).Ce qui a conféré au concept de dette écologique une évidence si éclatante, dans ce contexte, c'est qu'il a soudainement permis d'inverser les rôles des créanciers du Nord vis-à-vis des pays du Sud en développement, qui avaient jusqu'alors toujours été accusés d'être redevables au Nord industriel. Dans le cadre d'un discours sur la dette écologique, la dégradation des écologies environnementales et sociales du Sud constitue une fraction de l'accumulation continue des impayés du Nord. Le Nord global, en d'autres termes, est devenu un débiteur défaillant, historiquement réprouvé.1.2.1 «Croissance organique» : la dynamique d'un mouvement Paredis et al. (2008, p.23) décrivent avec justesse le développement du concept de dette écologique depuis le début des années 1990 comme un processus de « croissance organique ». Sans définition normalisée ou de véritable ancrage de personnalité, de lieu ou d'approche, le concept est resté plutôt amorphe et flexible dans ses caractérisations, méthodologies et applications pratiques. À cet égard, il s'écarte de concepts similaires tels que l'empreinte écologique et l'espace environnemental conçus par les chercheurs universitaires et ayant déjà acquis des définitions précises et des méthodologies unifiées avant d'être adoptés par les ONG et d'autres militants et praticiens de la société civile.Seul l'économiste écologique Joan Martinez-Alier est reconnu comme une exception à la déconnexion entre les traitements académiques et civils du concept de dette écologique. En référençant son concept de « croissance organique », Paredis et al. suggèrent que le développement de la conception d'une dette écologique a été un processus ascendant et inductif de génération raisonnée du savoir à travers lequel les idées originales et les pratiques novatrices ont continué à émerger des expériences et préoccupations locales des militants et autres partisans et acteurs de l'équité et de la justice écologiques dans le monde.Dans les années après le Sommet de la Terre de 1992, le concept de dette écologique a germé dans le contexte des campagnes d'annulation des dettes extérieures, des opportunités de réseautage, conférences et publications prônant cette annulation. Un acteur clé de cette période a été l'ONG équatorienne et partenaire d'EJOLT, Acción Ecologica (AE), qui a présenté la déclaration «Plus de pillage: ils nous doivent la dette écologique» à Johannesburg en 1999 (AE 2000). La même année, des représentants des Amis de la Terre International (FoEI), réunis à Quito, ont lancé une campagne sur la dette écologique (FOEI 2003). Ensemble, AE et FOEI ont organisé un réseau d'ONG pour fonder l'Alliance des créanciers écologiques de la dette du Sud (SPEDCA), dont le but était de promouvoir la «reconnaissance internationale de la dette écologique historique et actuelle» (Paredis et al. : 4). Peu de temps après, une alliance de «débiteurs» écologiques favorables aux arguments en faveur de la reconnaissance du concept de dette écologique, le Réseau européen pour la reconnaissance de la dette écologique (ENRED), a également été créée (WCC 2002).Puis, en 1999, à l'apogée de la campagne pour la dette de Jubilé 2000, la brochure «Qui doit qui ? Changement climatique, dette, équité et survie » (Simms et al., 1999) a été distribuée. La brochure, qui comprenait une tentative de quantifier la dette carbone historique du Nord par rapport à la dette extérieure du Sud, a été l'une des premières publications dans lesquelles l'idée d'une dette carbone (climatique ultérieure) a été formulée, ressemblant à l'approche de la responsabilité historique qui avait été proposée par le Brésil et incluse dans les négociations de la CCNUCC de 1997. Dans le débat suscité par cette idée de responsabilité historique, comme l'expliquent Roberts et Parks (2007), la notion de dette carbone a été évoquée par des représentants de plusieurs pays en développement. D'une manière primordiale, la brochure a marqué une réorientation du concept de l'écologie vers celui de la dette climatique, ce qui a donné au concept de dette une plus grande visibilité et une plus grande légitimité dans les discussions générales de l'époque.Tout comme la dette écologique est étroitement liée au concept plus large de justice environnementale, la dette climatique s'est développée par rapport à la justice climatique, notion utilisée à la fin des années 1980 et reprise par le mouvement climatique au tournant du millénaire. La société Corporate Watch, basée aux États-Unis, a organisé le sommet sur la justice climatique La Haye 2000 et a inspiré l'adoption de «The Climate Justice Declaration» par les EJO américains en 2004 (Roberts and Parks 2009: 394-395). La même année, une réunion de l'EJO en Afrique du Sud a adopté «La Déclaration de Durban sur le commerce du carbone» sous le titre « Climate Justice Now!» (DGCJ 2004), développée depuis en réseau mondial, lancé à Bali en 2007, qui a pesé en particulier dans les conférences de l'ONU sur le changement climatique.En 2009, juste avant la COP 15 de Copenhague, les concepts de dette écologique et climatique ont enfin été intégrés aux discussions dans le cadre de la plate-forme de négociation du Sud (voir Bond 2010). Par exemple, la négociatrice en chef du climat de la Bolivie, Angelica Navarro, a exigé le remboursement de la dette climatique, suivie par d'autres pays d'Amérique latine (Cuba, Honduras, Nicaragua, Venezuela) et aussi d'Asie du Sud (Sri Lanka), qui se sont également prononcés en faveur du remboursement de la dette climatique ainsi que le Lesotho, au nom des 49 pays les moins avancés du monde. De même, le soutien au concept a été affirmé (TWN 2010) par la déclaration «Rembourser la dette climatique: un résultat juste et efficace pour Copenhague» (TWN 2009a), rédigée et signée par au moins 254 organisations, dont la plupart provenaient des pays du Sud (TWN 2009b). Selon celle-ci, les pays développés sont en retard sur les pays en développement pour une dette double : dette d'émission et dette d'adaptation, qui ensemble constituent la dette climatique totale. Cependant, cette dette climatique est expressément considérée comme une «partie d'une dette écologique, sociale et économique plus grande due par le riche monde industrialisé à la majorité pauvre» (TWN 2009a).Après l'échec de Copenhague, et avec le soutien de 200 organisations civiles et les 5 États membres de l'Alliance bolivarienne pour les Amériques (ALBA), le président bolivien Evo Morales a rassemblé à Cochabamba en avril 2010 la Conférence mondiale des peuples sur le changement climatique et les droits de la Terre mère. Un «accord populaire» (PWCCC 2010) a été adopté, critiquant le processus de négociation sur le climat de l'ONU et formulant la base d'une proposition globale bolivienne soumise au même processus un an plus tard (CCNUCC 2010c: 14- 39). La dette climatique est un concept central dans l'Accord des Peuples et selon la proposition bolivienne : En consommant excessivement la capacité disponible de l'atmosphère et du système climatique de la Terre pour absorber les gaz à effet de serre, les pays développés ont accumulé une dette climatique envers les pays en développement et la Terre mère » (Ibid.: 15). Puis en 2012 la déclaration finale du Sommet des Peuples à Rio + 20 a affirmé sa «reconnaissance de la dette sociale et écologique historique» (Sommet des Peuples 2012).Bien que le concept de dette écologique ait perdu du terrain après 2009, les représentants des petits États insulaires lors des pourparlers de Cancún en 2010 ont introduit comme troisième point de négociation une atténuation et une adaptation du concept de «perte et dommage». Celui-ci, dans sa forme originale, évoque la dette climatique (ainsi qu'une approche de la responsabilité historique). S'appuyant sur ce développement, le «Mécanisme international de Varsovie pour les pertes et dommages» a été introduit à la COP 19 en 2013. Il semble toutefois avoir échoué car le compromis final de la réunion a relégué le mécanisme de Varsovie à une sous-position pilier d'adaptation, sans référence à la responsabilité historique ou à l'indemnisation des dettes accumulées. Comme l'a révélé «The Hindu» (2013), un exposé interne du Département d'État américain a clairement montré que le gouvernement américain ne considère pas les revendications de «compensation et de responsabilité» comme une «avenue productive pour la CCNUCC (Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques)».Pour conclure ce bref historique du concept de dette écologique, une précision importante concernant l'échelle : depuis ses premiers balbutiements dans les années 1980, le concept de dette écologique a été le plus souvent utilisé pour exprimer des relations entre États ou groupes d'États à l'échelle mondiale. Or les perspectives locales, bien que largement ignorées dans le débat, méritent sans doute d'être mieux reconnues et explorées, car bien que l'étendue des dommages écologiques causés par les actions d'une installation industrielle particulière ne puisse souvent pas être confinée aux frontières nationales, une grande partie de l'impact de ces pollueurs ponctuels tend néanmoins à être localisée. À cet effet, Paredis et al. (2008: 5) ont identifié une tendance récente à appliquer le concept de la dette à des situations dans lesquelles les entreprises sont accusées d'avoir des arriérés pour leurs activités écologiques et socialement localisées mais non moins nocives. En dénonçant un tel endettement localisé au titre de «la dette écologique privée» ou «la responsabilité environnementale», Meynen et Sebastian (2013: 434) définissent cette formulation plus limitée de la dette comme, au minimum « la somme de tous les dommages écologiques monétisés accumulés au cours d'une période dans l'environnement géographique défini d'une certaine unité d'extraction ou de production, où la relation de cause à effet entre l'unité et les dommages est suffisamment unique et confirmée ». Une opposition à cette définition, contestable en soi du fait des controverses quant à la « monétisation des ressources naturelles », pose problème du fait de la jurisprudence internationale existante.Le rapport EJOLT 16 traite des stratégies utilisées par les organisations de justice environnementale pour évaluer économiquement les passifs environnementaux (Zografos et al., 2014). Le concept de dette devient ainsi un outil puissant et disponible pour les EJO dans leurs luttes locales pour la justice environnementale et leur permettre par ailleurs de les relier plus solidement au mouvement international naissant de la dette écologique et de la justice, pouvant les renforcer dans leurs luttes par des possibilités telles que des collaborations virtuelles d'écojustice. En même temps, l'intégration du concept à un public plus large, tout comme le rôle important qu'il joue dans le livre de l'auteur-activiste Naomi Klein, «This Changes Everything» (2014), renforce sa légitimité et augmente sa reconnaissance au-delà du noyau de ce mouvement international1.2.2 De la «croissance organique» à la «stratégie collaborative»Au lieu de considérer la science - comme bien souvent autrefois - en tant que discipline qui ne vise que son propre progrès, la recherche-action que représente EJOLT a pour objectif de la rendre plus utile à plus de gens en établissant des réciprocités et des collaborations plus grandes entre la théorisation et la pratique, grâce à la synergie entre les «connaissances activistes» que les praticiens génèrent dans leur travail et les méthodologies standardisées ainsi que les compréhensions théoriques des universitaires.Dans la poursuite de l'objectif commun de justice écologique, une tâche importante dans l'élaboration d'une telle dialectique activiste-universitaire dans le contexte de cet article est de relier brièvement et à grands traits ces deux types de connaissances dans leur état actuel, afin d'établir une correspondance plus durable et plus fluide entre elles. Grâce à une meilleure compréhension réciproque, tant en termes de leurs forces que de leurs faiblesses respectives, un cadre de collaboration fondé sur les meilleurs aspects de la façon dont les organisations civiles et les institutions académiques abordent la génération de connaissances peut être construit. L'élaboration d'un tel cadre pourrait constituer une base solide pour progresser vers la réalisation des objectifs plus généraux du projet de recherche EJOLT.1.2.3 L'argument de la dette écologique activisteMalgré le concept de croissance organique de la dette écologique tel que mentionné ci-dessus, elle a toujours conservé un noyau conceptuel stable. D'après le sociologue James Rice (2009), en appliquant l'analyse des arguments à huit documents politiques d'ONG qui préconisent le concept de dette écologique, « la rhétorique de ces documents est représentative de la stabilité de ce noyau par leur discours contre-hégémonique appelant à une réévaluation fondamentale des relations politiques et économiques Nord-Sud » (Ibid: 249). Dans son analyse, Rice identifie quatre revendications principales qui sous-tendent les arguments des huit ONG en faveur du concept de dette écologique :1. Supprimer la subvention socio-écologique existant de nos jours encore et depuis l'époque coloniale d'une subvention imposée aux pays du Sud, liée au sous paiement et parfois au pillage des ressources naturelles et de la force de travail de ceux-ci, qui «appauvrit et dégrade la terre, la culture et le potentiel de développement des pays du Sud» et leur fait supporter une part disproportionnée de la capacité d'absorption globale à travers ses vastes émissions de gaz à effet de serre. 2. Annuler la dette financière extérieure des pays du Sud, qui, pour rembourser leur dette, sont contraints d'accélérer l'extraction et l'exportation de leurs ressources naturelles, avec comme conséquence une diminution du prix de ces ressources sur le marché mondial et l'intensification des efforts d'extraction, qui les placent dans un cercle vicieux : le remboursement de la dette extérieure entraînerait en fait une augmentation de la dette écologique du Sud au regard des comptes du Nord. 3. Reconsidérer les niveaux actuels de production et de consommation du Nord, qui ne sont pas viables à long terme, d'autant plus qu'ils sont fondés sur la subvention socio-écologique du Sud. On peut ainsi montrer que le modèle de développement néolibéral est à l'origine non seulement de l'appauvrissement du Sud mais aussi de la crise écologique mondiale. 4. Paiement de la dette écologique, revendiquée par les ONG, car cf. Rice «l'équité pour les obligations actuelles et rationnelles envers les générations futures exige que les pays du Nord commencent à rembourser la subvention socio-écologique accumulée, une obligation qui peut être définie comme une« dette écologique » (Idem, 241). 1.2.4 Conceptualisations académiques de la dette écologiqueAu-delà des organisations civiles et militantes, la dette écologique est de plus en plus reconnue dans sa légitimité et soutenue dans les milieux universitaires, les revendications des ONG faisant l'objet de recherches et développements académiques plus formels et liant la dette écologique à des outils quantifiables dans l'économie, les flux de matières et la comptabilité des ressources environnementales, dont en particulier deux contributions significatives au développement de notre compréhension de la dette écologique : de l'historien économique et économiste écologique Joan Martinez-Alier, de l'Université Autonome de Barcelone, selon lequel (2002), la dette écologique est un concept économique qui découle de conflits de distribution de deux sortes :Le premier est l'échange écologiquement inégal, qui peut être défini comme «le fait d'exporter des produits des régions et pays pauvres, à des prix qui ne tiennent pas compte des externalités locales provoquées par ces exportations ou l'épuisement des ressources naturelles, en échange de biens et services des régions plus riches » (Ibid: 214). Ce concept a ses racines dans une analyse structuraliste des systèmes mondiaux avec une vision économique hétérodoxe du commerce mondial inspirée par le marxisme, donc considéré comme injuste en raison des relations de pouvoir permettant aux nations développées d'imposer la détérioration des termes de l'échange aux «pays en développement» à la périphérie du système. Dans les années 1980 et 1990, les écologistes politiques ont adopté ce cadre d'analyse en l'élargissant non seulement à ses facteurs sociaux et économiques traditionnels, mais en introduisant comme facteurs les aspects écologiquement dévastateurs de l'échange inégal entre le Nord et le Sud (Bunker 1985, Altvater 1993, Hornborg 1998, 2011). le deuxième conflit conduisant à la dette écologique est la tendance des pays riches à utiliser de manière disproportionnée l'espace environnemental sans en payer le prix - s'agissant principalement de l'utilisation des puits de carbone - et constituant un facteur important dans l'accumulation de la dette carbone ou climatique. Sur cette base, la dette écologique pourrait donc être décrite comme le résultat cumulatif (ou le stock) d'échanges (flux) écologiquement inéquitables, plus la dette carbone. Par exemple, des échanges écologiquement inéquitables apparaissent dans les coûts (non rémunérés) de la reproduction, du maintien ou de la gestion durable des ressources renouvelables exportées des périphéries du Sud. Il est également perceptible dans les coûts de l'indisponibilité future des ressources naturelles détruites et non renouvelables ainsi que dans l'indemnisation dérisoire ou les coûts (non payés) de réparation des dommages locaux causés par les exportations ou la valeur actuelle des dommages irréversibles. Enfin, l'échange écologiquement inégal peut également apparaître dans le montant (non payé) de la valeur commerciale des ressources génétiques appropriées. Quant à l'utilisation disproportionnée de l'espace environnemental, deux manifestations importantes (liste nullement exhaustive) dans le monde sont notables : les coûts de réparation (non payés) ou la compensation des impacts causés par les importations de déchets toxiques, et les coûts (impayés) de la libre disposition des résidus de gaz (GES et autres types de pollution de l'air), en supposant l'égalité des droits aux puits et aux réservoirs.Martinez-Alier admet que quantifier la dette écologique en termes monétaires est aléatoire mais souligne qu'il s'agit de «considérer que la dette extérieure du Sud vers le Nord a déjà été payée en raison de la dette écologique que le Nord doit au Sud» (2002: 233), ce qui implique qu'une liste détaillée de débits et de crédits écologiques n'est peut-être ni possible ni nécessaire. Pour ceux qui critiquent l'idée même de monétiser les services de la nature, il supplie «mea culpa. Mon excuse est que le langage de la chrématistique7 est bien compris dans le Nord » (Idem, 228). d'un groupe de chercheurs belges dirigé par Erik Paredis à l'Université de Gand ayant élaboré une synthèse très complète des analyses antérieures de la dette écologique, ainsi que l'une des tentatives les plus détaillées pour quantifier le concept. Dans leur ouvrage de 2008 intitulé «Le concept de dette écologique : son sens et son applicabilité dans la politique internationale» (Paredis et al., 2008), se basant sur la littérature existante, avancent une définition de synthèse (voir ci-dessous) et le statut de la dette écologique dans le droit international de l'environnement. Ils calculent aussi méticuleusement deux parties de la dette écologique de la Belgique : 1) qui découlent de son utilisation de l'énergie et de sa contribution conséquente au changement climatique et 2) de sa production agricole et de son approvisionnement alimentaire. L'objectif principal de leur recherche est de remédier à certaines des faiblesses qu'ils ont identifiées et qui ne concernent pas le concept en tant que tel mais l'opérationnalisation du concept. Paredis et ses collègues soutiennent que la réalité de la dette écologique ne peut être niée : les dommages écologiques historiques et actuels subis par les autres pays et les écosystèmes mondiaux causés par les pays industrialisés et la surexploitation des biens et services écosystémiques sont amplement documentés et le concept de dette écologique un outil potentiellement puissant pour examiner les relations Nord et Sud ou repenser les politiques de développement durable (IX). De plus, les auteurs soutiennent qu'une définition de travail plus précise de la dette écologique doit être rédigée pour surmonter les faiblesses actuelles identifiées dans le concept. Ils concluent en soumettant la définition suivante à un examen général : la dette écologique du pays A comprend :1. les dommages écologiques causés dans le temps par le pays A dans d'autres pays ou dans les zones relevant de la juridiction d'autres pays à travers ses modes de production et de consommation, et/ou2. les dommages écologiques causés au fil du temps par le pays A aux écosystèmes situés au-delà de la juridiction nationale à travers ses modes de consommation et de production et/ou3. l'exploitation ou l'utilisation des biens et services des écosystèmes et des écosystèmes au fil du temps par le pays A au détriment des droits équitables à ces écosystèmes et biens et services écosystémiques d'autres pays ou individus (Paredis et al., 2008 : 149).Les deux concepts clés de Paredis et la définition de travail de ses collègues sont «dommage écologique» et «utilisation au détriment des droits équitables des autres». Dans ces termes, on peut dire qu'une dette écologique s'est accumulée lorsqu'un pays cause des dommages écologiques dans un autre pays ou dans les biens communs mondiaux. On peut également dire que l'accumulation a eu lieu dans des situations où l'on a fait un usage disproportionné des services écosystémiques qui auraient pu raisonnablement être supposés partagés également par tous sur la planète. Cette définition fait notamment écho à la conceptualisation par Martinez-Alier des deux conflits distributifs qui conduisent à l'accumulation de la dette écologique, où le premier - les effets cumulatifs d'un échange écologiquement inégal - est constitué de dommages écologiques et le second - l'utilisation disproportionnée du bien commun se traduit par des situations « d'utilisation au détriment des droits équitables d'autres pays ». 1.3 Les fondements théoriques de la dette écologiqueLe développement de la dette écologique en tant que concept très utilisé dans un mouvement bourgeonnant en plein essor exige que sa croissance organique exponentielle soit quelque peu tempérée par le développement d'une base théorique solide, à laquelle les militants et les universitaires peuvent se référer. Pour Paredis et al. celle-ci doit reposer sur quatre piliers :• une riche tradition théorique des systèmes de comptabilité biophysique, qui existe déjà ; • les théories de l'économie écologique, permettant de justifier les systèmes de mesure ; • les théories de la justice environnementale et des droits de l'homme, s'appuyant sur différentes sources ; • les théories et cas d'injustices historiques ou de catastrophes écologiques. Rice propose une 5[exposant:ème] théorie supplémentaire : une analyse du système mondial orienté vers l'écologie. Développée dans les années 1970 elle a été réactivée par les écologistes politiques à partir des années 1980 et suivantes.1.4 La dette écologique comme principe de répartition La déclaration du représentant américain Todd Stern lors du Sommet de Copenhague sur le climat 2009 reflète clairement les pratiques dominantes de la Realpolitik contemporaine : « Nous reconnaissons absolument notre rôle historique dans la diffusion des émissions dans l'atmosphère, mais je rejette catégoriquement l'idée d'une culpabilité ou de réparations ». Ces propos ne sont pas seulement révélateurs de la réticence du Nord à agir pour rectifier les divers méfaits de ses pratiques historiques. Ils suggèrent également que les questions liées à la dette écologique sont réduites à des problèmes de distribution, à la fois spatialement et temporellement.De ce fait, en particulier dans le domaine grandissant de la théorie politique environnementale, différents principes de distribution pour les allocations futures de charges de changement climatique ont été proposés et discutés. Un de ces principes qui s'apparente conceptuellement à la dette climatique a été dénommé alternativement «pollueur payeur», «contributeur payeur», «responsabilité historique» ou «responsabilité». Il y a eu une «convergence surprenante d'auteurs philosophiques sur le sujet», selon l'un des plus importants d'entre eux, Stephen M Gardiner (2004), qui note que ces auteurs «sont pratiquement unanimes dans leur conclusion que les pays développés devraient jouer un rôle de premier plan dans les coûts du changement climatique», la raison principale étant que ces pays sont responsables de la majeure partie des émissions historiques.«Global Environment and International Inequality» (1999) d'Henry Shue, et «En défense de la responsabilité historique pour les émissions de gaz à effet de serre» (2000) d'Eric Neumayer illustrent ce consensus en faveur de la responsabilité historique. Shue commence par une analogie souvent citée avec les parents qui, partout dans le monde, apprennent à leurs enfants à nettoyer leur propre désordre. Cette règle simple est logique du point de vue de l'incitation : si l'on apprend que l'on ne pourra pas s'en tirer simplement en s'éloignant de tout ce que l'on crée, on est fortement incité à ne pas faire de dégâts. Quiconque crée un gâchis le fait probablement dans un processus de poursuite d'un bénéfice - pour un enfant, le bénéfice peut être simplement le plaisir de jouer avec les objets qui constituent le désordre. Si l'on apprend que celui qui profite du désordre doit aussi être celui qui paie le coût du nettoyage, on apprend à tout le moins à ne pas faire de dégâts avec des coûts supérieurs à leurs avantages (Shue 1999: 533).Shue formalise ensuite cette analogie dans un premier principe d'équité : «ceux qui ont été unilatéralement désavantagés ont le droit d'exiger qu'à l'avenir la partie fautive assume des charges inégales, au moins dans la mesure de l'avantage injuste précédemment obtenu, afin de restaurer l'égalité » (Ibid: 534). Neumayer (2000: 187-188), tout en soutenant l'articulation de cet argument éthique par Shue en faveur de la responsabilité historique, qu'il appelle « principe de l'égalité des chances», y ajoute également deux arguments : la science est incontestablement du côté de la responsabilité historique dans la mesure où le réchauffement climatique est une conséquence des gaz à effet de serre accumulés au fil du temps, et le principe juridique ancien que le pollueur paye doit être respecté dans les schémas d'allocation basés sur l'argument de la responsabilité historique. Certaines objections à l'idée de la responsabilité historique ont été soulevées, en particulier le fait que les générations actuelles continuent de bénéficier des périodes d'industrialisation antérieures. Comme cela a été souligné récemment (Godard 2012: 12), un tel bénéfice est cependant parfois incertain et peut-être surestimé. Shue ne réfléchit pas, dans son argumentation, aux conséquences de la dégénérescence industrielle d'un pays comme l'Ukraine, qui a une responsabilité massive sur le changement climatique de ses activités industrielles passées, même si les bénéfices de ses émissions historiques ont largement disparu avec les temps économiques difficiles. L'Ukraine fait face depuis plus de vingt ans à la chute de l'Union soviétique. Dans ce cas, tenir l'Ukraine pour responsable des émissions passées qui ne profitent en rien aux générations actuelles en décidant de la répartition actuelle de sa charge climatique pourrait s'avérer injuste. Cette situation est longuement discutée dans Warlenius (2013), dont la conclusion provisoire est que les cas d'économies désindustrialisées en déclin soulignent la nécessité de s'éloigner des approches «pures» et strictes de la responsabilité pour calculer la dette climatique en tenant compte des différences fondamentales entre les «émissions de subsistance» - émissions résultant d'activités nécessaires à la satisfaction de besoins fondamentaux tels que la production alimentaire - et «émissions de luxe» (voir Agarwal et Narain 1991, Shue 1994, Vanderheiden 2008). Le premier est considéré comme un droit fondamental, de sorte que seul le dernier devrait être pris en compte dans l'attribution de la responsabilité historique dans un futur système de partage de la charge. Selon cette proposition, l'historique des émissions de l'Ukraine serait ainsi supprimé et certaines de ses émissions actuelles seraient autorisées gratuitement (Warlenius 2013: 41).